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Le moment où tout n’a pas vraiment commencé

Comment tout cela a commencé ?  J’aurais pu vous le dire en vous racontant ma déclaration de début d’activité freelance le 4 mai 2009. Vraiment très intéressant. Mais, bien heureusement,  l’acte d’entreprendre ne se réduit pas à un formulaire administratif. Entreprendre relève d’un certain mystère lorsque l’on s’y penche un peu. Évidemment, il y a les raisons évidentes, celles qui sautent aux yeux. Mais il y a aussi des petits moteurs moins conscients et pourtant puissants. Pour ce premier épisode, je vais tenter de ne pas vous perdre. Alors, pas de grand bon dans le temps, ni de plongée dans les méandres de mes réflexions. Je vais m’en tenir aux raisons factuelles et évidentes, aux événements les plus probants qui m’ont poussé à me lancer dans l’inconnu de l’entreprise en solo.

Élan, saut, rebond, peu importe, entreprendre c’est un mouvement vers soi et à la fois hors de soi. Entreprendre est un acte identitaire dans lequel on tente de s’affirmer. Il répond à la fois à des facteurs exogènes que l’on subit ou pas et des facteurs endogènes qui nous encouragent ou nous découragent, selon leur nature plus ou moins positive. 

Pour ce qui est des facteurs endogènes, d’autres de mes histoires pourront certainement éclairer ma décision. En revanche, pas de mystère quant aux facteurs exogènes, ceux de mon environnement et sur lesquels je n’avais pas beaucoup de prise. Je terminais mon master, c’était la crise financière et je n’avais pas de proposition d’embauche. Strike !
Un peu plus de détails ? En mai 2009, il me restait deux mois avant de quitter les bancs de mon école. Je préparais mon mémoire de master en marketing et j’étais en alternance dans une agence de communication nantaise. Après deux années d’études ponctuées de stages en agences, je pensais savoir ce qui me plairait le plus.

Chef de projet ? Assez peu pour moi. C’est une casquette transversale intéressante et qui m’a permis de toucher à tous les pans d’un projet en communication, mais j’avais envie de créer. Soit dit en passant, cette expérience m’a permis d’appréhender des compétences en gestion nécessaires : gestion de mon planning, approches budgétaires et tutti quanti. Les choses auxquelles tu ne penses pas forcément avant de te lancer.

Durant mes stages, j’avais côtoyé quelques stars de la conception-rédaction, j’ai admiré leur travail, leur capacité à manier les mots. Au fond de moi et très secrètement, je convoitais cet esprit de synthèse, cet impact. Moi, qui ai toujours été dans l’emphase de la phrase et qui maîtrisais le point-virgule à la perfection. J’ai pris conscience de mon style peu publicitaire quand une collègue m’a un jour rétorqué “Tu as un style beaucoup trop ampoulé et tu fais des phrases qui n’en sont pas”. Ok. J’ai ravalé ma salive et ma fierté ce jour-là. Elle avait raison. J’ai relu quelques contenus que j’avais produits, même des présentations en réponse à des appels d’offre et c’est vrai que j’avais un style Molière trop affirmé, sans compter ces fameuses phrases qui n’en étaient pas. Tu sais, ces phrases dans lesquelles il n’y a pas de verbe et où parfois, tu peines à détecter le sujet. En grammaire, on appelle ça des phrases nominales, donc non verbales. La pluie, sur les sommets, à la surface de l’étang. Voilà, c’en est une. Elle n’a rien à faire ici, mais c’est un bon exemple.

Il fallait que j’apprenne à faire plus simple. Comme tu le vois aujourd’hui, je me suis améliorée. En revanche, j’assume de faire de longues phrases de plus de 40 mots tout en m’adaptant à la commande. Je crois que j’ai trouvé un équilibre entre l’efficacité demandée et mes délires littéraires. Quand on me commande des punchlines, je prends mon petit carnet et j’écris des poèmes à côté. Ça me détend !

Je ferme la parenthèse. On parlera un autre jour de mes auto-thérapies.
Je voulais donc devenir conceptrice-rédactrice, le Graal, même si l’arrogance des personnes en place me décourageait un poil. Des stars, ces concepteurs-rédacteurs ! (phrase nominale. Ok, j’arrête). Tellement des stars, qu’aucun d’eux n’avait voulu me prendre en stage. Aurait-il fallu qu’ils ne daignent me répondre, pour commencer. C’était encore l’époque du mail et du CV papier et de… Viadeo aussi. Je vous parle d’eux au masculin, non pas par effet de généralisation, mais plutôt parce que malheureusement, je n’avais rencontré aucune conceptrice-rédactrice à l’époque.

En dehors de ce poste rêvé, il n’y avait pas de poste du tout, en fait. La crise financière qui a frappé le monde entre 2007 et 2009 laissait derrière elle un sillon stérile sur le marché de l’emploi. Les entreprises dégraissaient leurs services communication et marketing. Il y avait mieux comme timing pour des diplômés. Chanceux étaient ceux qui avaient pu rester dans l’entreprise de leur alternance. Moi, on m’avait gentiment remerciée. Je ne l’ai pas bien pris. J’étais assez triste de ne pas faire l’affaire et que l’autre stagiaire qui était mon binôme avait remporté les préférences. Sûrement plus ouverte, plus sociable et sociale. Ma personnalité discrète, introvertie et mon attitude stoïque n’avait pas séduit.

Si on résume la situation, je savais que je n’allais pas être embauchée, mes demandes n’aboutissaient pas, mais j’avais au moins un rêve, une ambition : la conception-rédaction. Parmi les facteurs exogènes que j’ai subis, il y a bien eu un facteur malgré tout encourageant : l’apparition du régime du micro-entrepreneur en août 2008. Simple d’accès, peu onéreux en charges, ça m’allait. Alors pourquoi ne pas devenir conceptrice-rédactrice indépendante ?
Je dois avouer que je n’avais jamais convoité le statut de freelance. Jamais ô grand jamais, l’entrepreneuriat avait été un sujet pour moi (Tu l’as vu le style Molière ?). Je ne m’y étais jamais projetée, je n’y avais pas réfléchi. Quand on sort d’une école en communication et marketing, on a en tête une sorte de voie royale. On commence en agence pour se forger une solide expérience. Il faut entendre par là, travailler à des horaires pas possibles, rester le dernier pour faire bien et se rendre disponible le soir et le weekend si besoin en se faisant potentiellement maltraité par un directeur de création mal luné. J’exagère à peine. Tout n’est pas noir, tout n’est pas blanc. Et quand ces années en agence nous ont potentiellement bien usé et bien, on va se reposer chez l’annonceur. Je me félicite pour cette caricature que nous avions à peu près tous en tête au sortir de nos études. Aujourd’hui, j’en ris doucement, même si on est tous d’accord sur le fait que les inégalités, la maltraitance et le harcèlement sont des sujets malheureusement brûlants dans certains environnements de travail, notamment dans les domaines de la pub et de la communication.

Comme je m’étais débarrassée de l’image de ce parcours caricatural, ce curriculum vitae que je n’aurais jamais, je me suis posé la question de me lancer à mon compte. Je naviguais encore entre cours et stage à ce moment. J’ai mis une petite semaine à me décider. Oui, la réflexion la plus courte de l’Histoire. Car, grâce à la conjonction positive Mars-Jupiter (si, si), un des prospects de l’agence dans laquelle je terminais mon stage a su que je partais. J’étais son interlocutrice, la chef de projet de sa demande. Alors, il m’a suivie. Il m’a même encouragée à me lancer, faisant taire tous mes doutes. Aujourd’hui, c’est un ami. Et ici, je lui dis une nouvelle fois merci.

Le 4 mai 2009, je me lançais donc officiellement avec ce seul client, mais ce client tout de même qui m’a confié la mission de mes rêves, dont je vous parlerai dans un autre épisode de Boum Boum.

Depuis ce jour, je n’ai jamais regretté mon choix. J’ai douté, j’ai été perdue, j’ai connu des échecs, fait des erreurs. Mais rien n’a réussi à ébranler mon envie de poursuivre dans ce chemin libéré, et non prémédité, qu’est celui du freelancing. Une décision que Sartre aurait pu qualifier de “projet authentique” ou de “projet valable” qui, pour lui, signifie agir sur une situation concrète et la modifier. 

Alors, voilà, petite, je n’ai jamais rêvé de me lancer seule et d’entreprendre. Pour moi, l’entreprise a été une réponse intuitive à une situation à un instant précis de ma vie. Le besoin de travailler, de confirmer que mon master allait bel et bien me servir. Le besoin, certainement, de m’affirmer dans mon être. Alors, rien d’exceptionnel, mais ce 4 mai 2009, ce n’est pas là que tout a commencé, mais il s’est produit une étincelle dont j’entretiens la flamme encore aujourd’hui. Le jour où mon cœur a fait boum boum pour l’entrepreneuriat créatif.

Merci de m’avoir lue.
À très vite pour une nouvelle histoire.

❤️ Gina

BOUM BOUM, c’est la true story de mon parcours.
Un flot d’histoires, dans des formats libres, pour explorer ensemble le thème de la construction identitaire à travers le prisme de l’entrepreneuriat créatif. Quand nos expériences persos résonnent dans nos choix pros, ça fait boum boum. Histoires à suivre.